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Questions de réglementation 2018 - numéro 1

Gestion du droit de refus au traitement en milieu de travail

Scénario

Résident dans un foyer de soins de longue durée (SLD), Patrick est âgé de 75 ans et souffre de démence et de dysphagie. Sa fille, Ellen, est sa mandataire. Pour offrir à Patrick le plan de soins nutritionnels le plus sécuritaire possible, la diététiste, en consultation avec l’orthophoniste et le médecin, a recommandé un régime alimentaire constitué d’aliments hachés fins et de liquides épaissis.

La diététiste a demandé le consentement éclairé d’Ellen pour le régime alimentaire proposé, mais celle-ci a refusé. Elle a demandé à ce que son père ait un régime alimentaire normal, puisque cela allait selon elle améliorer sa qualité de vie. La diététiste a discuté avec Ellen des risques d’un régime alimentaire normal pour son père, mais Ellen a fermement maintenu sa demande. La diététiste a consigné l’information sur la discussion, puis demandé un régime alimentaire normal pour Patrick.

L’administrateur du foyer de SLD a été informé de la situation et a indiqué à la diététiste que l’établissement ne pouvait pas offrir un régime alimentaire normal à Patrick en raison de son risque d’aspiration. La diététiste n’était plus certaine de ce qu’elle devait faire.


Obligations professionnelles

Le dilemme de ce scénario vient du fait que la diététiste est coincée entre les souhaits de la mandataire, qui demande un régime alimentaire normal, et les directives de son employeur qui vont à l’encontre de ce souhait. 

Dans le présent scénario, la diététiste a la responsabilité légale et professionnelle d’obtenir un consentement ou un refus éclairé pour le traitement en vertu de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS). Cette obligation professionnelle est aussi formulée dans le Règlement sur la faute professionnelle (en anglais) et les normes d’obtention du consentement de l’Ordre.

Les principes fondamentaux et les lois liés au consentement reposent sur le respect du droit du client de prendre des décisions éclairées au sujet de ses soins de santé. Un réel consentement éclairé est au cœur des soins axés sur le client. Quand un client n’a pas la capacité de prendre ses propres décisions relativement à ses soins de santé, le droit de consentir au traitement ou de le refuser est exercé par un mandataire.

Veuillez noter que l’Ordre ne donne pas de conseils juridiques et qu’il est conseillé aux membres de se tourner vers leur propre conseiller juridique si nécessaire.

La fille du patient comprend-elle les responsabilités qui lui reviennent à titre de mandataire?

La première étape que peut suivre la diététiste est d’établir si Ellen, la fille de Patrick, comprend pleinement ses responsabilités à titre de mandataire de son père. En cas d’incertitude, la diététiste peut examiner le dossier de santé de Patrick pour déterminer si un autre membre de l’équipe de soins a déjà eu cette discussion avec Ellen. Dans la négative, la diététiste et l’équipe de soins peuvent déterminer qui est le fournisseur de soins le mieux placé pour discuter de cette question avec elle.

Ellen doit prendre les décisions relatives aux soins de santé au nom de son père conformément aux principes suivants précisés dans la LCSS.
« 1. Si elle sait que l’incapable, lorsqu’il était capable et avait au moins 16 ans révolus, a exprimé un désir applicable aux circonstances, elle donne ou refuse son consentement conformément au désir exprimé.
2. Si elle ne sait pas si l’incapable, lorsqu’il était capable et avait au moins 16 ans révolus, a exprimé un désir applicable aux circonstances, ou s’il est impossible de se conformer au désir, elle agit dans l’intérêt véritable de l’incapable. »
 
En vertu de la LCSS, au moment de décider dans l’intérêt véritable de Patrick, Ellen doit tenir compte de ce qui suit :
 « (a) les valeurs et les croyances qu’elle sait que l’incapable avait lorsqu’il était capable et conformément auxquelles elle croit qu’il agirait s’il était capable;
 
(b) les désirs qu’elle sait que l’incapable a exprimés à l’égard du traitement et auxquels il n’est pas obligatoire de se conformer aux termes de la disposition 1 du paragraphe (1) (ci-dessus);
 
(c) les facteurs suivants :
 

  1. S’il est vraisemblable ou non que le traitement, selon le cas :
    1. améliorera l’état ou le bien-être de l’incapable,
    2. empêchera la détérioration de l’état ou du bien-être de l’incapable,
    3. diminuera l’ampleur selon laquelle ou le rythme auquel l’état ou le bien-être de l’incapable se détériorera vraisemblablement.
  1. S’il est vraisemblable ou non que l’état ou le bien-être de l’incapable s’améliorera, restera le même ou se détériorera sans le traitement.
 
  1. Si l’effet bénéfique prévu du traitement l’emporte ou non sur le risque d’effets néfastes pour l’incapable.

4. Si un traitement moins contraignant ou moins perturbateur aurait ou non un effet aussi bénéfique que celui qui est proposé. »

Refus éclairé

En vertu de la LCSS, Ellen a le droit de refuser le traitement, si la décision est éclairée et dans l’intérêt véritable de son père. Quand un mandataire refuse ou retire son consentement au traitement nutritionnel proposé, la diététiste doit s’assurer que le mandataire comprend entièrement les implications du refus ou de retrait de son consentement. Cela permet de s’assurer que la décision est réellement éclairée.

Dans le présent scénario, la diététiste est assez confiante relativement au caractère éclairé de la décision d’Ellen de refuser le régime alimentaire recommandé, puisqu’elle a clairement expliqué à Ellen pourquoi un régime alimentaire constitué d’aliments hachés fins et de liquides épaissis était recommandé et qu’elle lui a précisé les risques du refus du traitement. Durant cette discussion, Ellen a indiqué qu’elle comprenait les conséquences possibles du refus de traitement. Elle a expliqué que sa décision de demander un régime alimentaire normal était prise dans l’intérêt véritable de son père et en fonction de ce qu’il souhaiterait s’il avait la capacité de prendre ses propres décisions en matière de traitement. La diététiste a alors clairement consigné les détails de la discussion avec Ellen dans le dossier médical de Patrick, dont le refus du traitement proposé.

Responsabilités des foyers de soins de longue durée

En vertu de la réglementation générale de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée, le foyer de SLD a la responsabilité de s’assurer que les résidents reçoivent des aliments et des liquides sains et nutritifs. En plus de sa responsabilité de fournir des soins alimentaires sécuritaires, le foyer est aussi tenu de se conformer à la LCSS, qui comprend le respect du droit du mandataire de consentir au traitement ou de le refuser, pour autant qu’il agisse dans l’intérêt véritable du résident. Les diététistes peuvent s’assurer que les administrateurs de foyers de SLD comprennent la LSCC et les obligations professionnelles des diététistes en partageant avec eux les normes d’obtention du consentement de l’Ordre.

Intérêt véritable

La mandataire a indiqué que sa décision de refuser le régime alimentaire recommandé reposait sur des aspects liés à la qualité de vie de son père et sur ce que ce dernier aurait voulu s’il avait été capable de prendre lui-même les décisions relatives à son traitement. L’administrateur du foyer a indiqué qu’un régime alimentaire normal entraînerait un important risque d’aspiration pour le résident.

Malgré les ordonnances opposées quant au régime alimentaire, la mandataire et l’administrateur du foyer de soins de longue durée ont tous les deux affirmé que leur décision était fondée sur l’intérêt véritable de Patrick. Toutefois, en vertu de la LSCC, l’autorité du consentement au traitement ou du refus revient au mandataire. Si les membres de l’équipe de soins croient que la mandataire n’agit pas dans l’intérêt véritable de Patrick en raison du risque élevé d’aspiration, conformément à l’art. 37 de la LSCC, ils peuvent présenter une demande d’examen à la Commission du consentement et de la capacité.

La diététiste peut assurer la liaison avec l’équipe de soins de santé pour déterminer si une demande d’examen par la Commission du consentement et de la capacité serait justifiée dans le cas de Patrick. Dans l’affirmative, la décision concernant l’ordonnance du régime alimentaire se rattachant au traitement de Patrick serait prise par la Commission du consentement et de la capacité ou un autre mandataire pourrait être nommé pour Patrick. Les équipes de soins de santé ne devraient pas avoir peur de recourir à cette façon de faire pour s’assurer que le règlement revienne à la Commission du consentement et de la capacité.

Consultez le site Web de la Commission du consentement et de la capacité pour plus de détails : http://www.ccboard.on.ca/scripts/french/aboutus/index.asp.

Possibilités de collaboration pour la diététiste

Dans ce scénario, il est important de se rappeler que les soins de longue durée ne sont pas dispensés de façon isolée. La diététiste peut collaborer avec l’équipe de soins, organiser une rencontre avec la famille et consulter un éthicien ou le conseiller juridique de l’organisme (le cas échéant) pour essayer de résoudre cette situation dans l’intérêt véritable de Patrick, en tenant compte de l’aspect de la qualité de vie et des préoccupations entourant le risque. L’équipe peut consulter différentes ressources comme les lois, les normes d’exercice professionnel et les cadres conceptuels pour les prises de décisions éthiques.
 

 Messages à retenir pour les diététistes

  1. Exécutez les obligations professionnelles pour obtenir un consentement ou un refus éclairé pour le traitement de soins nutritionnels proposé et consignez l’information à ce sujet en conséquence.
  2. Assurez-vous que le mandataire comprend ses obligations en vertu de la LSCC.
  3. Assurez-vous que le foyer de SLD comprend la LSCC et les obligations professionnelles de la diététiste, comme précisées dans les normes d’obtention du consentement de l’Ordre.
  4. Collaborez avec l’équipe de soins de santé dans le but d’adopter le régime alimentaire présentant le moins de danger possible tout en respectant le droit de refuser le traitement du mandataire.
  5. Collaborez avec l’équipe de soins de santé pour déterminer si la présentation d’une demande d’examen à la Commission du consentement et de la capacité est justifiée.
  6. Consignez les détails des interactions ayant eu lieu avec toutes les parties pour tenter de gérer la situation.